15/11/2021
Cet article a fait l’objet d’un article sur le site d’Université de Paris.
Dans une étude récente publiée dans Diabetes, l’équipe de Francine Béhar-Cohen au Centre de Recherche des Cordeliers montre que le récepteur aux minéralocorticoïdes et certains de ses ligands sont surexprimés dans la rétine des patients atteints de rétinopathie diabétique. L’injection intraoculaire de spironolactone de libération contrôlée, qui bloque spécifiquement les récepteurs aux minéralocorticoïdes, entraine une réduction de la réponse inflammatoire précoce et de l’œdème rétinien et diminue la perméabilité vasculaire associée aux rétinopathies diabétiques avancées chez le rat. Ces résultats sont une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes de la rétinopathie diabétique et constituent une piste thérapeutique précieuse pour le traitement des rétinopathies précoces et avancées.
La prévalence mondiale du diabète atteindra 642 millions de personnes d’ici 2040. La rétinopathie diabétique est une complication grave du diabète qui touche 50% des patients diabétiques de type 1 et 30% des patients diabétiques de type 2 après 10 ans. Elle est la première cause de cécité avant l’âge de 60 ans. L’inflammation rétinienne, le stress oxydatif et le dysfonctionnement des cellules gliales sont reconnus comme des facteurs pathogènes majeurs dans les lésions neuronales ischémiques et l’œdème maculaire, tous deux responsables de la perte de vision.
Actuellement, les principaux traitements pour réduire l’œdème maculaire sont les injections intraoculaires répétées d’anti-VEGF ou de glucocorticoïdes. Les anti-VEGF neutralisent les effets délétères des membres de la famille du facteur de croissance VEGF (augmentation de la perméabilité des barrières hémato-rétiniennes et induction de l’angiogenèse) tandis que les glucocorticoïdes jouent un rôle anti-inflammatoire et anti-angiogénique.
Mais ces traitements ne sont pas toujours efficaces pour tous les patients, qui soit ne répondent pas au traitement, soit développent une résistance au fil du temps, soit subissent des effets secondaires non négligeables dans les cas des glucocorticoïdes. C’est pourquoi il est important de mettre au point de nouvelles approches thérapeutiques.
L’activation de la voie minéralocorticoïde est impliquée dans les pathologies associées au diabète (cardiopathies et néphropathies) entre autres via son action pro-inflammatoire, pro-oxydant et pro-fibrotique. Des études précliniques et cliniques ont montré les effets bénéfiques des antagonistes du récepteur aux minéralocorticoïdes (RM) pour inverser la protéinurie et ralentir la progression de la néphropathie chez les sujets diabétiques.
Le rôle du RM n’a cependant jamais été étudié dans la rétinopathie diabétique. Notre étude publiée dans « Diabetes » a montré une surexpression du RM dans la rétine des patients atteints de rétinopathie diabétique, et identifié le cortisol, le glucocorticoïde endogène, comme le principal ligand du RM dans l’œil des patients. La lipocaline 2 et la galectine 3, qui sont les cibles du RM et les biomarqueurs des complications diabétiques étaient également augmentées dans la rétine diabétique humaine. L’ensemble de ces résultats témoignent d’une suractivation de la voie du RM dans la rétinopathie diabétique.
“Nous avons testé l’effet d’une libération contrôlée intraoculaire de spironolactone, un antagoniste très puissant du RM, chez le rat Goto-Kakizaki, modèle animal de diabète de type 2”, explique Min Zhao. “Nos résultats démontrent que ce traitement entraine une amélioration de l’inflammation précoce, une réduction de l’œdème rétinien et une diminution de la perméabilité vasculaire dans la rétinopathie diabétique avancée chez les rats. La spironolactone permettrait aussi une relocalisation des canaux ioniques (Kir4.1) et à eau (AQP4) le long des cellules gliales de Müller de la rétine. L’étude transcriptomique a identifié des gènes (ex. Vldlr, Pten, Slc7a1, Tjp1, Sesn2) et des groupes fonctionnels de gènes qui interviennent dans la perméabilité vasculaire, la barrière hémato-rétinienne et l’œdème”.
Cette étude constitue une avancée importante dans la compréhension des mécanismes de la rétinopathie diabétique. Le blocage du récepteur aux minéralocorticoïdes, qui cible un ensemble de manifestations pathologiques associées à la rétinopathie diabétique, représente une nouvelle voie thérapeutique à fort potentiel à explorer.
Contacts :
Min Zhao : min.zhao@inserm.fr
Francine Behar-Cohen : francine.behar@gmail.com
Article :
Mineralocorticoid Receptor Pathway and its Antagonism in a Model of Diabetic Retinopathy.
Zhao M, Gelize E, Levy R, Moulin A, Azan F, Berdugo M, Naud MC, Guegan J, Delaunay K, Pussard E, Lassiaz P, Bravo-Osuna I, Herrero-Vanrell R, Behar-Cohen F.
Diabetes. 2021 Aug 23:db210099. doi: 10.2337/db21-0099. Online ahead of print.PMID: 34426510