03/11/2020
Une collaboration internationale impliquant les équipes de Sébastien Lacroix-Desmazes, au Centre de Recherche des Cordeliers, et de Federico Mingozzi de Spark Therapeutics et du Généthon, a réussi à rétablir in vivo l’efficacité de la thérapie génique par le vecteur viral AAV malgré la présence d’anticorps anti-AAV neutralisants en utilisant l’enzyme IdeS, qui dégrade spécifiquement les IgG humaines. Ces résultats, publiés le 1er juin dans Nature Medicine, ouvrent de nouvelles perspectives pour la thérapie génique.
La thérapie génique permet de soigner un nombre croissant de pathologies. Toutefois, la thérapie génique médiée par les vecteurs viraux AAV (« adeno-associated virus ») est inefficace chez les patients présentant des immunoglobulines (IgG) neutralisantes anti-AAV. Ces IgG neutralisantes, qui préexistent chez près de 70% des individus, bloquent la pénétration des particules virales dans les hépatocytes, lieu de leur action. Il n’existe aujourd’hui pas d’approche simple pour contourner l’action des IgG anti-AAV neutralisantes.
Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont utilisé les propriétés d’une enzyme de Streptococcus pyrogenes, appelée « IgG-degrading enzyme of Streptococcus», ou IdeS, qui hydrolyse spécifiquement les IgG humaines. L’efficacité d’IdeS a été démontrée sur deux systèmes modèles d’hémophilie B, une maladie hémorragique monogénique liée au chromosome X, caractérisée par l’absence de facteur IX, qui permet la coagulation.
Chez la souris et chez le primate non-humain ayant des IgG anti-AAV neutralisantes, le traitement avec IdeS avant l’injection d’un vecteur AAV codant le facteur IX élimine les IgG neutralisantes et permet l’expression de facteur IX humain transgénique (Voir Figure).
Les résultats obtenus démontrent que le traitement par IdeS entraine une élimination rapide et transitoire des IgG anti-AAV neutralisantes et rétablit l’efficacité de la thérapie génique.
Lors d’une thérapie génique chez des patients sans IgG anti-AAV, la première injection de vecteurs AAV induit systématiquement l’apparition d’une réponse immunitaire neutralisante. Cela rend la thérapie génique inefficace lors de nouvelles injections de vecteurs AAV. Les chercheurs montrent chez le singe que le traitement avec IdeS rétablit l’efficacité de la ré-administration du vecteur AAV, permettant une augmentation de l’expression du transgène. L’utilisation d’IdeS autorise ainsi l’administration répétée de vecteurs AAV en permettant de s’affranchir de la réponse humorale neutralisante.
Des études ultérieures seront menées pour adapter cette stratégie à l’homme, le but étant d’ouvrir une fenêtre thérapeutique pour la thérapie génique chez les patients possédant des anticorps anti-AAV neutralisants.
L’hydrolyse des IgG anti-AAV neutralisantes par IdeS rétablit l’efficacité de la thérapie génique.
IgG-cleaving endopeptidase enables in vivo gene therapy in the presence of anti-AAV neutralizing antibodies 2020, NatMed. In press.
Christian Leborgne, Elena Barbon, Jeffrey M. Alexander, Hayley Hanby, Sandrine Delignat, Daniel M. Cohen, Fanny Collaud, Saghana Muraleetharan, Dan Lupo, Joseph Silverberg, Karen Huang, Laetitia van Wittengerghe, Béatrice Marolleau, Adeline Miranda, Anna Fabiano, Victoria Daventure, Heena Beck, Xavier M. Anguela, Giuseppe Ronzitti, Sean M. Armour, Sebastien Lacroix-Desmazes, Federico Mingozzi. https://doi.org/10.1038/s41591-020-0911-7