12/11/2020
Dans une publication récente, l’équipe d’Isabelle Cremer et ses collaborateurs montrent comment le microenvironnement tumoral modifie l’expression génétique des cellules NK (Natural Killer) au sein de tumeurs pulmonaires et empêche leur action de destruction des cellules tumorales.
Ces résultats ont été publiés en octobre dans Journal for immunotherapy of Cancer.
Les cellules NK, ou Natural Killer, jouent un rôle essentiel dans la surveillance immunitaire anti-tumorale. Elles agissent comme première ligne de défense, d’une part en tuant les cellules tumorales via leurs fonctions cytotoxiques et d’autre part en établissant une action anti-tumorale coordonnée grâce à la sécrétion de cytokines et de chimiokines (dont le TNF-, l’IFN-, le GM-CSF ou CCL3) par lesquelles elles interagissent avec d’autres cellules immunitaires.
Cependant, on observe qu’au sein des tumeurs, les cellules NK présentent parfois des déficits fonctionnels et ne sont plus capables de tuer les cellules tumorales, comme cela a été montré dans plusieurs types de tumeurs, dont les tumeurs pulmonaires (Platonova S et al. Cancer Research, 2011).
Cette dysfonction serait due à un changement important du profil d’expression génétique des cellules NK, qui exprimeraient des molécules inhibitrices du système immunitaire ou de points de contrôles immunitaires.
L’équipe d’Isabelle Cremer a comparé les profils transcriptomiques de cellules NK extraites de tumeurs pulmonaires ou de tissu non-tumoral adjacent, et mis en évidence que les cellules NK qui infiltrent les tumeurs pulmonaires ont une signature d’expression génique unique et différente de celles des cellules NK du tissu pulmonaire sain. L’analyse fine de cette signature montre une diminution de l’expression de molécules S1PR1 et CX3CR1 et une surexpression des molécules CXCR5 et de CXCR6, toutes impliquées dans la migration cellulaire, ainsi qu’une expression plus importante de CTLA4 et KLRC1, deux molécules inhibitrices du système immunitaire. Des études fonctionnelles nous ont permis de démontrer la fonction inhibitrice des NK intra-tumorales sur la maturation des cellules dendritiques, impliquées dans la réponse immunitaire, par un mécanisme impliquant probablement CTLA-4. De plus, alors que dans le cancer pulmonaire non à petites cellules, une forte densité de lymphocytes T CD8+, de lymphocytes B CD20+ et de cellules dendritiques matures DC-LAMP+ est fortement associée à un bon pronostic, la densité des cellules NK n’a aucun impact sur la survie des patients, ce qui s’explique par la dysfonction de ces cellules ainsi que l’acquisition de l’expression de molécules inhibitrices dont CTLA-4, dans le microenvironnement tumoral. Au contraire, nous avons démontré qu’une forte densité de cellules NK réverse la valeur pronostique positive des cellules T CD8+.
L’ensemble des données de cet article met en évidence le rôle inhibiteur des cellules NK sur la réponse immunitaire antitumorale au sein des tumeurs pulmonaires et ouvre la voie à l’utilisation de nouvelles combinaisons de molécules thérapeutiques ciblant les cellules NK dans les tumeurs solides, dans le but de modifier leurs capacités migratoires tout en restaurant leurs capacités fonctionnelles de tueuses des cellules tumorales.
Contact : isabelle.cremer@sorbonne-universite.fr
Article
Natural killer cells in the human lung tumor microenvironment display immune inhibitory functions
Russick J, Joubert PE, Gillard-Bocquet M, Torset C, Meylan M, Petitprez F, Dragon-Durey MA, Marmier S, Varthaman A, Josseaume N, Germain C, Goc J, Dieu-Nosjean MC, Validire P, Fournel L, Zitvogel L, Bindea G, Lupo A, Damotte D, Alifano M, Cremer I J Immunother Cancer. Oct. 2020.
doi: 10.1136/jitc-2020-001054. PMID: 33067317
Pour en savoir plus:
NK cells in the tumor microenvironment: Prognostic and theranostic impact. Recent advances and trends. Russick J, Torset C, Hemery E, Cremer I. Semin Immunol. (2020)
doi: 10.1016/j.smim.2020.101407. PMID: 32900565
Expression différentielle des gènes entre les cellules NK extraites de tissu non tumoral ou tumoral.