15/12/2021
L’équipe de Jessica Zucman-Rossi vient de publier dans The Lancet Oncology les résultats de la première étude d’association pangénomique (GWAS) menée sur plus de 4000 patients afin d’évaluer l’impact du contexte génétique sur le développement d’un cancer du foie chez les gros consommateurs d’alcool.
Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est le cancer du foie le plus fréquent et la troisième cause de décès par cancer dans le monde. La maladie du foie liée à la consommation excessive d’alcool est la principale cause de carcinome hépatocellulaire en France et dans de nombreux pays occidentaux. Bien que le risque de développer un cancer du foie augmente parallèlement à la sévérité des lésions hépatiques induite par l’alcool, un cancer du foie ne se développera que chez une minorité des grands buveurs chroniques suggérant l’implication de facteurs génétiques. Comprendre pourquoi certains malades développent un cancer du foie et pas d’autres est la question qui a été posée par l’équipe de la Professeure Jessica Zucman-Rossi au Centre de Recherche des Cordeliers (Université de Paris, Inserm, Sorbonne Université), et ses collaborateurs du réseau GENTHEP (Génétique des tumeurs hépatiques) en France et en Belgique.
Afin de mieux évaluer une prédisposition génétique favorisant la survenue du cancer du foie liée à la consommation d’alcool, la première étude d’association pangénomique (GWAS) a été menée chez plus de 4000 malades recrutés dans plusieurs centres hospitaliers universitaires en France et en Belgique, spécialisés dans le dépistage et le traitement du cancer du foie. Ce type d’étude consiste à comparer le génome de milliers d’individus ayant en commun un phénotype ou une maladie, ici des patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool ayant développé un cancer du foie comparé à des patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool n’ayant pas développé de cancer du foie. Les chercheurs ont identifié les gènes WNT3A-WNT9A comme associés au risque de développement du carcinome hépatocellulaire chez les patients avec une consommation excessive d’alcool. Ces résultats publiés dans The Lancet Oncology le 10 décembre 2021 permettent de mieux comprendre les mécanismes d’interaction entre l’exposition à l’alcool au cours de la vie et la diversité génétique des individus conduisant au développement d’un cancer du foie
L’équipe de Jessica Zucman-Rossi montré que certaines variations génétiques apparaissent comme protectrices dans le contexte d’une consommation excessive et chronique d’alcool. Ainsi, les patients porteurs de variations génétiques particulières au niveau des gènes WNT3A-WNT9A, ont moins de risque de développer un CHC lié à la consommation chronique d’alcool (plus de 4 verres par jour). Les chercheurs ont également confirmé que des variations génétiques au niveau des gènes PNPLA3, TM6SF2 et HSD17B13 modulait le risque de CHC lié à l’alcool. La présence simultané de variants à risque au niveau de ces 4 gènes accroisait le risque de CHC lié à l’alcool.
Les travaux précédents de l’équipe avaient montré que près de la moitié des CHC liés à l’alcool présentaient des mutations du gène CTNNB1 au sein du tissu tumoral et une activation de la voie de signalisation Wnt-β-caténine, accompagné d’une diminution de la présence de cellules immunitaires. La présente étude montre que les tumeurs de patients ayant développé un CHC lié à l’alcool et porteurs de la variation protectrice des gènes WNT3A-WNT9A sont différentes. Chez ces patients, la région non-tumorale du foie présente une augmentation de l’expression des gènes liés à l’inflammation. Ces résultats suggèrent que les variants protecteurs des gènes WNT3A-WNT9A favoriseraient un environnement inflammatoire qui lui-même empêcherait l’activation de la voie de signalisation Wnt-β-caténine et pourrait ainsi contribuer à prévenir la carcinogenèse hépatique liée à l’alcool.
Le rôle néfaste de la consommation excessive d’alcool sur le foie est bien connu. Ces résultats permettent une meilleure compréhension des mécanismes liés au développement d’un CHC induit par l’alcool et ouvre de nouvelles voies de recherche pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre le cancer du foie.
Dans tous les cas, il est important de rappeler que limiter sa consommation d’alcool a un impact très important et permet la prévention efficace du développement de cancer du foie.
Ce travail a été soutenu financièrement par la Ligue Nationale contre le Cancer (Equipe Labellisée), Bpifrance, l’INSERM (plan cancer), l’Association Française pour l’Etude du foie, le Coup d’Elan de la Fondation Bettencourt-Schueller, la FRM prix Rosen, la Ligue Contre le Cancer Comité de Paris (prix René et André Duquesne), la Fondation Mérieux et l’Université Libre de Bruxelles en Belgique.
Référence :
Common genetic variation in alcohol-related hepatocellular carcinoma: a case-control genome-wide association study.
Eric Trépo, Stefano Caruso, Jie Yang, Sandrine Imbeaud, Gabrielle Couchy, Quentin Bayard, Eric Letouzé, Nathalie Ganne-Carrié, Christophe Moreno, Abderrahim Oussalah, Cyrille Feray, Jean Frédéric Blanc, Bruno Clément, Patrick Hillon, Jérôme Boursier, Valérie Paradis, Julien Calderaro, Viviane Gnemmi, Jean-Charles Nault, Jean-Louis Guéant, Jacques Devière, Isabelle Archambeaud, Carole Vitellius, Bruno Turlin, Jean-Pierre Bronowicki, Thierry Gustot, Angela Sutton, the GENTHEP Consortium§, Marianne Ziol, Pierre Nahon, Jessica Zucman-Rossi.Publié dans The Lancet Oncology le 10 décembre 2021.
§GENTHEP Consortium :
Clément Meiller, Qian Cao, Théo Z. Hirsch, Sandra Rebouissou, Delphine Degré, Lukas Otero Sanchez, Nicolas Rosewick, Eric Quertinmont, Mireille Desille-Dugast, Muriel François-Vié, Cécile Moins, Emmanuelle Leteurtre, Guillaume Lassailly, Massih Ningarhari, Emmanuel Boleslawski, Vanessa Cottet.
Contacts :
Jessica ZUCMAN-ROSSI : jessica.zucman-rossi@inserm.fr
Eric Trepo : eric.trepo@inserm.fr