Par : Tim Greten
Date : jeudi 19 juin 2025
12:00 - 13:00
Lieu : Amphithéatre Bilski-Pasquier
RÉSUMÉ DE RECHERCHE
Dans notre laboratoire, nous étudions le microenvironnement immunitaire tumoral (TiME) et les mécanismes immunologiques conduisant à une immunité anti-tumorale renforcée. Nous avons utilisé des échantillons provenant de 28 patients traités par la combinaison de trémélimumab et de durvalumab, une option thérapeutique de référence pour le CHC avancé (carcinome hépatocellulaire), afin d’identifier des biomarqueurs de réponse et les causes d’échec thérapeutique. Nous avons réalisé une analyse multi-omique à haute dimension incluant le séquençage complet de l’exome (WES), le séquençage de l’ARN à cellule unique, la technologie CODEX, la cytométrie en flux et l’analyse multiplex des cytokines/chimiokines sur des échantillons sanguins et tumoraux des patients. Ces données ont été intégrées pour identifier les corrélats immunitaires et les mécanismes de réponse.
Des souris porteuses de CHC syngénique ont été traitées avec des anticorps anti-PD-L1 et anti-CTLA-4 pour analyser les lymphocytes hépatiques, les lymphocytes infiltrant la tumeur et les PBMC. L’analyse du tissu tumoral a révélé une réponse interféron accrue, plus marquée chez les patients répondeurs. L’analyse de la variation des ensembles de gènes (GSVA) a montré une présentation antigénique renforcée chez les répondeurs. L’analyse spatiale a révélé que les tumeurs des non-répondeurs présentaient un plus grand nombre de Tregs localisés dans des niches enrichies en cellules immunitaires, avec une expression plus élevée d’ICOS et de PD-1. À l’inverse, les lymphocytes CD8+PD1+ des non-répondeurs dans ces zones enrichies en Tregs exprimaient moins d’ICOS. L’analyse des interactions cellulaires a montré une interaction renforcée entre Tregs et CD8+T dans les tissus des non-répondeurs. L’analyse du sang périphérique a révélé une augmentation des monocytes classiques chez les répondeurs et des Tregs chez les non-répondeurs. L’interaction Treg-CD8+T a été confirmée dans les modèles précliniques. Enfin, une analyse computationnelle individualisée a été réalisée à partir de l’ensemble des données (860 caractéristiques), ce qui a permis d’identifier des ensembles de caractéristiques multi-omiques incluant des signatures liées aux Tregs. Cette étude fournit une feuille de route pour une analyse approfondie des corrélats immunitaires dans les essais d’immunothérapie et souligne l’importance de la distribution des Tregs dans le CHC.
Dans un second essai, nous avons récemment fait une observation clinique très intéressante et inattendue : la combinaison anti-VEGF/anti-CTLA-4 + anti-PD-L1 peut induire des réponses immunitaires anti-tumorales significatives chez des patients atteints de cancers primitifs. En utilisant à la fois des échantillons tumoraux et sanguins dérivés de patients, ainsi que des modèles murins, nous avons étudié comment le traitement anti-VEGF renforce l’immunité anti-tumorale. Nous avons montré que l’ajout d’un blocage du VEGF à la combinaison d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (anti-CTLA-4 + anti-PD-L1) libérait une efficacité thérapeutique via un mécanisme multimodal inédit, dépendant de la production de BAFF par les cellules T et myéloïdes. Cela induisait une réponse pro-inflammatoire des cellules B, dépendante de BAFF, caractérisée par une expansion des cellules B des centres germinatifs et des plasmocytes, ainsi que par la production d’IL-12. Ce mécanisme aboutissait à une expansion des Tregs et à leur reprogrammation vers un état fragile de type Th1, dépendant du BAFF et de l’IL-12, à potentiel anti-tumoral.
En résumé, nos études démontrent que l’analyse parallèle d’essais cliniques et de modèles murins précliniques permet de mieux comprendre le microenvironnement immunitaire tumoral et les réponses aux thérapies dans le foie.
Biographie
Le Dr Tim F. Greten a suivi sa formation médicale à l’université Christian-Albrechts de Kiel, en Allemagne. Il a effectué son internat à Munich, avant de poursuivre un post-doctorat de trois ans à l’Université Johns Hopkins (Baltimore, Maryland), où il a commencé ses travaux dans le domaine de l’immunologie tumorale.
En 1999, le Dr Greten est retourné à la faculté de médecine de Hanovre, où il a terminé sa formation en médecine interne (2003), en oncologie médicale (2004) et en gastro-entérologie (2007). Il a ensuite occupé un poste de professeur associé au sein du département de gastro-entérologie, hépatologie et endocrinologie de la faculté de médecine de Hanovre.
En février 2010, le Dr Greten a rejoint la branche d’oncologie médicale du Center for Cancer Research (CCR) comme responsable de la section des cancers gastro-intestinaux. Il a été promu chercheur titulaire senior en 2015, directeur adjoint de la branche en 2018, puis directeur adjoint du CCR en 2023.
Le Dr Greten est l’auteur de plus de 250 publications dans des revues scientifiques à comité de lecture, parmi lesquelles Science, Nature, Cell, Cancer Cell, Cancer Discovery et le New England Journal of Medicine. En 2023, il a reçu le prix du directeur du NCI et du CCR pour l’excellence de son mentorat (Outstanding Mentorship Award). Il est également co-président du Center of Excellence in Immunology et co-directeur du Liver Cancer Program du CCR au sein du NCI.