07/03/2019
Des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et de Sorbonne Université ont montré qu’une accumulation toxique du fer survient dans plusieurs modèles de maladies rétiniennes et que la transferrine, protéine naturelle fixant le fer, contrebalance cet effet. Cette étude représente une nouvelle étape vers l’utilisation de la transferrine afin de préserver la vision notamment chez des patients atteints de décollement de la rétine. Ces résultats sont publiés dans la revue Science Advances et ont fait le sujet d’une émission “Allo Docteurs”
Des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et de Sorbonne Université ont montré qu’une accumulation toxique du fer survient dans plusieurs modèles de maladies rétiniennes et que la transferrine, protéine naturelle fixant le fer, contrebalance cet effet. Cette étude représente une nouvelle étape vers l’utilisation de la transferrine comme traitement complémentaire à la chirurgie afin de préserver la vision notamment chez des patients atteints de décollement de la rétine. Ces résultats sont publiés dans la revue Science Advances.
Voir la video de l’émission “Allo Docteurs” du 25 février 2019:
“Maladies de la rétine: une nouvelle piste pour préserver la vision”
Les maladies de la rétine sont une cause majeure de malvoyance et de cécité. Dans le cas d’un décollement de la rétine, la mort des photorécepteurs et la perte de vision permanente sont causées par la séparation de la rétine de sa couche externe pigmentée entre lesquels s’immisce du liquide dit sous-rétinien (SRF). L’incidence de cette pathologie chez l’adulte varie entre 10 et 55 pour 100 000 individus/an et est plus importante chez les personnes atteintes de myopie. Malgré les énormes progrès réalisés dans les techniques chirurgicales, le “recollement” de la rétine ne permet pas une récupération visuelle totale et impacte fortement la qualité de vie. L’amélioration de la vision après une chirurgie du décollement de la rétine est donc un défi thérapeutique crucial.
Le fer est un composant biologique important pour catalyser les réactions enzymatiques. Mais lorsqu’il est mal utilisé par l’organisme, il génère de mauvaises réactions et crée des composants cellulaires nocifs. C’est ainsi que la mort des cellules rétiniennes médiée par le fer est soupçonnée de se produire sous diverses formes de dégénérescence de la rétine. Cependant aucune corrélation entre le fer et la fonction visuelle n’avait été montrée jusqu’à présent.
Dans cette nouvelle étude, des chercheurs de l’Inserm ont évalué la présence de fer dans l’œil comme marqueur prédictif du décollement de la rétine et comme cible thérapeutique de la maladie. Pour cela, ils ont mesuré la présence de fer dans la partie vitrée de l’œil et dans le liquide sous-rétinien des patients. Ils ont alors montré que l’augmentation de la saturation en fer est corrélée à une mauvaise récupération visuelle. In vitro et in vivo, le fer induit une nécrose immédiate et une mort cellulaire (apoptose) retardée des neurones.
Des études précédentes ont montré, sans pouvoir l’expliquer, que dans divers modèles animaux le traitement par la transferrine exerçait des effets protecteurs sur les neurones de la rétine. Dans ce travail, les chercheurs démontrent que la transferrine, en identifiant les voies moléculaires impliquées, diminue à la fois l’apoptose et la nécrose induites par le décollement de la rétine.
La transferrine, traitement d’appoint à la chirurgie
Pour aller plus loin, les chercheurs ont donc testé l’hypothèse d’une supplémentation en transferrine comme traitement d’appoint à la chirurgie pour améliorer la qualité de vue des patients.
A la fois sur des cellules de rétine humaine en culture et in vivo sur des modèles animaux, l’injection oculaire locale de transferrine semble préserver la rétine. De plus, même si elle est administrée tardivement alors que la maladie est déjà déclarée, la transferrine peut prévenir d’autres altérations rétiniennes ainsi que la mort cellulaire.
Emilie Picard, chercheuse Inserm en charge de l’étude précise que : « ces résultats sont très prometteurs, toutes les maladies dégénératives de la rétine sont associées à une accumulation de fer. Cela implique que la transferrine pourrait constituer un nouveau traitement pour ces maladies qui sont fréquemment cumulées et invalidantes.
D’ores et déjà, la société Eyevensys, start-up issue du centre de recherche des Cordeliers, projette d’utiliser une technologie en phase clinique pour d’autres essais de thérapie génique, ceci afin de produire de la transferrine de façon contrôlée pour les maladies rétiniennes dégénératives.
Sources
Iron is neurotoxic in retinal detachment and transferrin confers neuroprotection
Alejandra Daruich1,2,3, Quentin Le Rouzic1, Laurent Jonet1, Marie-Christine Naud1, Laura Kowalczuk2, Jean-Antoine Pournaras2, Jeffrey H. Boatright4,5, Aurélien Thomas6,7, Natacha Turck7,8, Alexandre Moulin2, Francine Behar-Cohen1,7,9*, Emilie Picard1
1. INSERM, UMRS1138, Team 17, From physiopathology of ocular diseases to clinical
development, Université Sorbonne Paris Cité, Université Paris Descartes, Centre de Recherche des
Cordeliers, 15 rue de l’Ecole de Médecine, 75006 Paris, France
2. Department of ophthalmology, University of Lausanne, Jules-Gonin Eye Hospital, Fondation
Asile des Aveugles, Lausanne, Switzerland
3. Ophthalmology Department, Necker-Enfants Malades University Hospital, AP-HP, Paris,
France.
4. Department of Ophthalmology, School of Medicine, Emory University, Atlanta, GA, United
States
5. Center of Excellence, Atlanta Veterans Administration Medical Center, Decatur, GA, United
States
6. Geneva University Hospitals; Unit of Toxicology, CURML; Geneva, Switzerland
7. Faculty of Biology and Medicine, University of Lausanne, Rue du Bugnon 21, 1011
Lausanne, Switzerland
8. Geneva University, Department of Human Protein Science; Geneva, Suisse Ophtalmopole,
9. Cochin Hospital, AP-HP, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, 24 rue du Faubourg Saint-
Jacques, 75014 Paris, France